Qui n’a pas vécu ces réunions interminables, ou l’on se demande immanquablement pourquoi nous y avons été invités ? quel en est l’objectif ? pourquoi elle est animée de façon si déprimante ? et finalement si l’on n’aurait pas été plus inspiré de faire autre chose ?
Dans ces instants, nous reviennent parfois, des réminiscences de notre enfance, ou notre esprit rêvassait, le regard ailleurs en écoutant le ronronnement soporifique de l’instituteur…
Vu le nombre de publications, méthodes, experts en réunion qui se multiplient aujourd’hui, on pourrait penser que ce type de réunion, relève d’une autre époque, une époque révolue tout juste bonne à nourrir les histoires que quelques vieux managers, se racontent sous le manteau en évoquant le bon vieux temps. Il n’en est rien !
C’est à croire que sur ces questions, ces sujets, vieux comme le monde, les humains en général, les managers en particulier, n’ont toujours ni progressé, ni vraiment intégré les enjeux de ces « temps collectifs », que sont les réunions.
Si la qualité et l’efficacité des réunions, reflétaient la maturité collective d’une équipe ou d’une entreprise, il y aurait de quoi être très inquiet !!
- Que penser de cette réunion en préfecture, dans une immense salle avec micros, au milieu de laquelle trône une pile de vieux téléphones, ou personne n’est présenté, ou il n’y a ni ordre du jour, ni animation, ni objectifs clairement partagés ? Ou seul, un monologue prend place …
- Que dire de ce comité stratégique d’une grande entreprise publique, pas préparé, sans ordre du jour, ou personne ne s’exprime vraiment, ou les vrais sujets ne sont pas abordés. Une réunion ni ouverte, ni fermée, donc sans synthèses ni conclusions, encore moins de perspectives ?
- Comment réagir à ces comités de direction, ou seul le patron s’exprime et les collaborateurs doivent écouter passibles ?
Dans le premier cas, les budgets en jeu sont de l’ordre du million d’euros, dans le second, c’est tout l’avenir d’une filière énergétique qui est en jeu. Enfin dans le troisième, il s’agit de choix opérationnels ayant des conséquences sur chacun des participants.
Ego ? Inconscience ? Incompétence ? Difficile à savoir, puisqu’il n’existe aucun espace, aucun lieu où l’on puisse débriefer ce genre de situation, en tirer des enseignements et tenter de progresser.
Lorsque l’on ne sait pas où l’on va, il peut être intéressant de regarder d’où l’on vient ? disait le sage !
Si les réunions existent depuis que les humains vivent en société, alors comment se réunissent et sur quelles modalités ceux et celles que notre modernité a qualifié de sauvages, d’archaïques ou de primitifs, communément appelés « les sociétés autochtones » ?
Dans ces sociétés, les espaces « temps de réunion », sont précieux, car ils doivent déboucher impérativement sur des décisions portées et partagées par l’ensemble de la communauté.
L’intention essentielle d’une réunion, est la mise en mouvement des acteurs, dans une direction ou un objectif clair et partagé.
Comme dans une entreprise, il y a des pour des contre, des bavards, des muets, des renfrognés, des exubérants, des qui parlent de ce qu’ils ne connaissent pas, et des qui ne disent pas ce qu’ils savent. Dans ces sociétés, les règles sont simples.
Règle N° 0 : L’INTENTION
La réunion a-t-elle été vraiment préparée ? L’intention est-elle claire ?
Règle N° 1 : L’OBJECTIF
Est-ce une réunion d’information ou de prise de décisions ou de créativité ou encore de point d’étape ?
Règle N°2 : LE LIEU
L’espace est-il adapté, ? assez vaste sans être immense. Les participants peuvent ils se voir, croiser leurs regards ?
Règle N° 3 : LES RÔLES
Les rôles sont-ils clairement répartis, définis, assumés ? Ou sont-ils portés par une seule et même personne ?
Dans la société des Indiens Kogis par exemple (Nord de la Colombie) pendant la réunion, les 4 rôles clés vont être les suivants :
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- Gardien et animateurs des méthodes de travail (Comment va ton travailler)
- Gardien et animateurs des contenus (De quoi parle ton)
L’association et l’obligation de ces deux « fonctions », vont nécessiter un dialogue, une co-préparation, qui peut aider à tenir les égos, et les non-dits à distance.
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- Gardien et animateurs des décisions (le manager, mais pas forcément)
- Gardien et animateurs des feed-back d’amélioration. Souvent un étudiant qui doit apprendre à « lire » (déchiffrer) , ce qu’est une « bonne » ou une « juste » réunion, pour être à même de proposer des améliorations.
Règle N°4 : LE TEMPS
Des rôles auquel on peut ajouter en entreprise, le gardien du temps, et le gardien des relevés de décisions.
Règle N°5 : LE SENS
Il convient de ne pas oublier, par qui ? et comment ? vont être partagés les propos d’ouverture, qui donnent le sens, et rappellent les enjeux de la réunion, et les propos de fermeture, qui apportent des conclusions et ouvrent des perspectives vers le futur.
Règle N°6 : L’ANIMATION
Enfin, l’animateur(trice) qui ne doit pas être le manager ou le dirigeant, maitrise-t-il, elle, les outils d’animation d’une réunion ? Sait-il/ elle poser et faire vivre ce que l’on appelle couramment un « cadre de sécurité », ou une « membrane » afin que chacun, puisse s’exprimer en confiance ? Est-il à même de canaliser et dépasser les tensions ?
Si plusieurs rôles sont clairement identifiés et légitimés, tout en étant interchangeables, alors la réunion ne sera plus une somme de spectateurs, que le manager devra pousser ou entrainer, mais de vrais co-acteurs, co-responsables, dont le manager devra accompagner l’autonomie, la montée en maturité et les potentiels de surgissement associés.
La vraie question est alors de savoir si les dirigeants et les managers sont à même de canaliser, de faire émerger ou non, les potentiels de leurs équipes ? leur capacité collective d’innovation, leur créativité et au final leur intelligence collective ?
Ou comment passer du manager « expert », au manger « animateur », de celui qui fait, à celui qui « est » et fait faire, en conscience.
Celui ou celle qui comprend que l’essentiel d’une réunion se joue dans la qualité des liens, de l’écoute, du partage. Celui ou celle qui nourri la confiance de ces équipes, condition pour faire vivre et développer un projet commun. En temps de crise, ce n’est plus une question, mais une impérative nécessité.